traduction : Défaillances systèmes
Feb. 17th, 2020 05:39 pm(english below)
je viens de lire Défaillances systèmes, la traduction française de All Systems Red de Martha Wells. puisque j'ai déjà lu l'originel anglais, j'ai porté une attention particulière sur la traduction de Mathilde Montier. je partage ici le résumé incohérent de mes notes.
en anglais, on se réfère à AssaSynth (ou MurderBot) avec le pronom inanimé « it ». cette option n'existe pas en français, bien sûr. Montier emploie plusieurs stratégies pour contourner le problème : premièrement « ça », une stratégie assez courante dans les traductions EN→FR quand on met « it » en contraste aux pronoms animés. cela fonctionne parfois, mais c'est un peu lourd quand on l'utilise systématiquement comme pronom personnel. Montier fait le choix judicieux de varier un peu.
deuxièmement, les androïdes du type SecUnit (comme MurderBot) sont féminines (suivant « unité », j'imagine), permettant le pronom « elles ». normal, rien à remarquer.
troisièmement, il est parfois possible d'éviter les pronoms (personnels) en se servant du pronom démonstratif « ce », comme « It is a person » → « C'est une personne » (italiques dans les textes d'origine).
mais le choix qui m'a le plus frappé·e, c'est le pronom « iel ». si vous ne connaissez pas, c'est le pronom français neutre ou non binaire le plus courant (on connaît aussi la variante orthographique « yel »). on s'en sert pour désigner les personnes non binaires préférant ce pronom (c'est le pronom que j'utilise pour moi-même, d'ailleurs) ; les personnes dont le genre n'est pas connu ; et au pluriel (« iels » ou « yels »), les groupes de personnes à différents genres.
son usage ici était frappant pour plusieurs raisons. d'abord, il est loin d'être aussi répandu et accepté que « they ». de plus, c'est pour moi le seul pronom personnel français qui désigne uniquement les personnes ; pour moi c'est un pronom explicitement animé.
il est d'abord utilisé en dialogue, quand les humain·e·s parlent de MurderBot. c'est toujours « it » dans l'originel, mais je trouvais le choix justifié pour les humain·e·s qui cherchent (avec plus ou moins de maladresse) à parler de façon respectueuse d'une SecUnit que iels ne voient que depuis récemment comme une personne. mais dans le dernier chapitre, « iels » apparaît dans la narration. la première occurrence suit directement une phrase ou les mêmes androïdes sont encore « ils », ce qui est quand même bizarre.
je pourrais y chercher du sens, mais je sais que ma conception stricte du pronom n'est pas partagée par tout le monde - bordel, la plupart ne connaissent même pas ce pronom tout court. et c'est pour ça que ça me gêne. lea lecteur·e lambda, j'imagine, pourrait facilement sortir avec l'impression que « iel » est un pronom inventé pour désigner les androïdes, ce qui est problématique puisque les intéressé·e·s (c'est à dire nous autres non binaires) tiennent à leur statut d'être humain·e. on connaît déjà le discours, tous les personnages dans les médias qui nous ressemblent (non binaires, asexuel·le·s, autistes...) sont des robots ou extraterrestres etc etc, c'est pas idéal, je ne vais pas le reproduire ici.
pour le reste, je trouve la traduction irréprochable. Montier réussit parfaitement à conserver le style et la voix bien distinctive qui est à mon avis parmi les principaux attraits de cette nouvelle - donc en français aussi bien qu'en anglais ! je guette une occasion d'obtenir les trois autres livres de la série. je vais peut-être attendre la lecture de ceux-là avant d'ajouter Mathilde Montier à ma petite liste de traducteur·e·s préféré·e·s.
( english )
je viens de lire Défaillances systèmes, la traduction française de All Systems Red de Martha Wells. puisque j'ai déjà lu l'originel anglais, j'ai porté une attention particulière sur la traduction de Mathilde Montier. je partage ici le résumé incohérent de mes notes.
en anglais, on se réfère à AssaSynth (ou MurderBot) avec le pronom inanimé « it ». cette option n'existe pas en français, bien sûr. Montier emploie plusieurs stratégies pour contourner le problème : premièrement « ça », une stratégie assez courante dans les traductions EN→FR quand on met « it » en contraste aux pronoms animés. cela fonctionne parfois, mais c'est un peu lourd quand on l'utilise systématiquement comme pronom personnel. Montier fait le choix judicieux de varier un peu.
deuxièmement, les androïdes du type SecUnit (comme MurderBot) sont féminines (suivant « unité », j'imagine), permettant le pronom « elles ». normal, rien à remarquer.
troisièmement, il est parfois possible d'éviter les pronoms (personnels) en se servant du pronom démonstratif « ce », comme « It is a person » → « C'est une personne » (italiques dans les textes d'origine).
mais le choix qui m'a le plus frappé·e, c'est le pronom « iel ». si vous ne connaissez pas, c'est le pronom français neutre ou non binaire le plus courant (on connaît aussi la variante orthographique « yel »). on s'en sert pour désigner les personnes non binaires préférant ce pronom (c'est le pronom que j'utilise pour moi-même, d'ailleurs) ; les personnes dont le genre n'est pas connu ; et au pluriel (« iels » ou « yels »), les groupes de personnes à différents genres.
son usage ici était frappant pour plusieurs raisons. d'abord, il est loin d'être aussi répandu et accepté que « they ». de plus, c'est pour moi le seul pronom personnel français qui désigne uniquement les personnes ; pour moi c'est un pronom explicitement animé.
il est d'abord utilisé en dialogue, quand les humain·e·s parlent de MurderBot. c'est toujours « it » dans l'originel, mais je trouvais le choix justifié pour les humain·e·s qui cherchent (avec plus ou moins de maladresse) à parler de façon respectueuse d'une SecUnit que iels ne voient que depuis récemment comme une personne. mais dans le dernier chapitre, « iels » apparaît dans la narration. la première occurrence suit directement une phrase ou les mêmes androïdes sont encore « ils », ce qui est quand même bizarre.
je pourrais y chercher du sens, mais je sais que ma conception stricte du pronom n'est pas partagée par tout le monde - bordel, la plupart ne connaissent même pas ce pronom tout court. et c'est pour ça que ça me gêne. lea lecteur·e lambda, j'imagine, pourrait facilement sortir avec l'impression que « iel » est un pronom inventé pour désigner les androïdes, ce qui est problématique puisque les intéressé·e·s (c'est à dire nous autres non binaires) tiennent à leur statut d'être humain·e. on connaît déjà le discours, tous les personnages dans les médias qui nous ressemblent (non binaires, asexuel·le·s, autistes...) sont des robots ou extraterrestres etc etc, c'est pas idéal, je ne vais pas le reproduire ici.
pour le reste, je trouve la traduction irréprochable. Montier réussit parfaitement à conserver le style et la voix bien distinctive qui est à mon avis parmi les principaux attraits de cette nouvelle - donc en français aussi bien qu'en anglais ! je guette une occasion d'obtenir les trois autres livres de la série. je vais peut-être attendre la lecture de ceux-là avant d'ajouter Mathilde Montier à ma petite liste de traducteur·e·s préféré·e·s.
( english )